Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Dossier Twisted Village - La rage de l'expression

par lou 5 Juin 2012, 10:13

http://www.pastemagazine.com/blogs/lists/2009/07/30/twisted_village_boston.jpg

 

 

 

 

Underground

 

 

 

 

Dossier Twisted Village

 

 

 

 

La Rage de L'Expression

 

De tous les groupes balancés dans le grand tamis, il est quasiment impossible de dire, combien chaque année, coulent sans laisser de traces. Seul la mémoire permet, bien longtemps après, de se souvenir d'un nom ou d'une pochette. Prenez Twisted Village (label underground américain) par exemple. J'ai vu passer ce nom sur des listes, au milieu des années 90. Albums mal distribués, tirages microscopiques, le plus souvent chers. Il aurait fallu le déficit actuel du système boursier pour tout acheter. Et l'éternité pour avoir le temps de tout écouter. Mais le rock n'oublie jamais ce que vous faites pour lui. Tôt ou tard, il reviendra vous visiter. Sous formes de rééditions (les originaux sont collectors depuis longtemps). Les infos glanées sur le net n’apprennent pas grand-chose. Si ce n'est qu'un nommé Wayne Rogers est le cerveau derrière un joyeux bordel. Où une brochette d'allumés paradent sous des noms divers. Impossible d’être global face à une hydre de ce calibre. Pas plus que d'en sortir par de la sociologie à trois balle, ou du délire acide. La bonne vieille solution sera de dépiauter morceau par morceau. L'article ne prétendant pas une seconde être exhaustif. Parce qu'ils ont produit comme des malades. Trouver ne serait-ce qu'un CD de Vermonster, par exemple, est presque totalement impossible. Juste vous dire à quel point le fond sonore de cet article fait du bien. Mais peut entrainer un regard bizarre des gens dits normaux. Dans un sens, c'est rassurant.

 

Wayne Rogers

 

http://s.dsimg.com/image/R-767134-1258404464.jpegCommençons donc par le patron. Je pioche au hasard, albumThe Seven Arms Of The Sun (1994). Retour aux fondamentaux d'un rock trop souvent nouveau riche. Mélange imparable de psyché garage, d'ambiances Barrett et de guitares fuzz d'une pointilleuse ascèse. Morceaux courts, fuyant l'exhibitionnisme comme la peste. L'anti Foreigner/bouse FM idéal. Seule la dernière chanson va au-delà des six minutes, bizarre mixture d'asile de cinglés et de riffs de Black Sabbath. Le son est compact, comme pris à travers un mur, douloureux. On n’est pas loin de se croire dans une de ces obscures compilations garage, qui font le bonheur de certains. La même chose vaut pour Ego River (1992). En fait, on dirait le groupe d'une bande de losers du lycée, qui ont uniquement trouvé ce moyen pour contrer le mauvais sort. On sent que les gars ont beaucoup écouté de musique (normal, c'est pas les potes qui les embarrassent) bien compris l'essentiel. Juste ce qu'il faut. Expression minimaliste, malaise bien présent (ces intermèdes dissonants, comme un bourdon dans les oreilles). On a tous voulu en faire autant, un été trop long. La formule s’essouffle brutalement sur Constant Displacement (1997) mais tient encore le coup sur All Good Works (1995) qui sonne fier et assuré.

Avec son petit côté Roger Waters (tendance If) quelque part, aussi.

 

 

Crystallized Movement

 

http://www.vinyl.de/bilder/2008226135738_543129551_MVC-706S.JPGLe vaisseau amiral. Celui réservé aux sorties les plus diplomatiques. Le premier s'appelle Mind Disaster, et date de 1983. Vous vous souvenez de cette année horrible ? Où le jackpot était régulièrement décroché par d'abominables anglais, plus maquillés qu'une vieille catin sur le retour. Où les Dogs et les Barracudas étaient un rêve, régulièrement contrarié par un disquaire ringard. Et ce gluant de Bowie dans le rôle du grand collabo de service. Quand la presse spécialisée (je ris) enterrait le rock à grand coup de pelle. Sans prendre la peine de vérifier s’il était vraiment mort. Et il aurait fallu (au moins) une inversion du champ magnétique pour que, d'un coup, les fantasmes de deux gamins du Connecticut viennent nous chatouiller les oreilles. Surtout avec un tirage à 130 exemplaires. Ce rock mal fagoté, tout hérissé de fuzz, ce son de batterie primaire nous aurait sacrément galvanisés. On y entend les Byrds, des traces de power pop autant que les Stooges, et beaucoup de la fraicheur du punk.

Une wha wha martyrisée aussi, pour éviter de faire trop joli. On a son honneur. Belle collection de chansons qui vont à l'essentiel vite et bien. Avec des titres comme Stone Cathedral ou Orange Acid Orange, on attendait avant de se prononcer. Trop de plans en carton-pâte nous ont considérablement refroidis. Ici, tout est pensé dans la bonne direction. Le groupe ne connait peut être qu'une musique (celle qu'il aime) mais en possède déjà toutes les ficelles. Sait qu'il s’adresse, avant tout, à des gens qui préféreraient mourir que de toucher un disque de Culture Club. Et agit avec ce très bon esprit teenager, qui consiste à rassasier les uns, sans s'occuper des autres. Il est tout à fait dommage que la micro distribution ait empêché ce petit disque sans prétentions (mais teigneux) de participer à la vague revival. J'ai beau écouter, je vois mal ce qui les différencie de DMZ ou des Miracle Workers. L'attitude peut être, le manque crucial d'image (qui peut nous assurer qu'ils portaient bien des boots et des lunettes noires, jusqu'à sous la douche). En tout cas, le dernier morceau s'appelle Psychotical Delusions. Si si. Sans l'effet de surprise, Revelations From Pandemonium (1992) apparaît plus monocorde, réclame de l'attention. Tandis que This Wideness Comes (1990) est la grande œuvre mystérieuse. Disque violent et très noir, aux compositions soignées (presque trop), celui-ci est aussi recommandé. Mais constituera difficilement une première approche du tout Twisted Village.

LIEN :

It's All Gone Black

 

 

Magic Hour

 

http://nsa27.casimages.com/img/2011/11/04/111104040247844024.jpgLes gros fayots de la promotion. Bons élèves du premier rang, qui savent y faire pour qu'on les remarque. Ceux qui montrent clairement leur coté mélodique, en reléguant les gros larsens aux fondations de la baraque. Longs morceaux hypnotiques, possibilité de quitter enfin l'armure. C'est beau, pas policé, pas javellisé, toujours capable de faire fuir votre belle-sœur en dix secondes (important ça). Tirs tendus. Tableaux de Jérome Bosh, qui retiendrait uniquement les beaux moments. Peut-être dix centimètres carrés d'un triptyque. Mais alors, ça vaut tous les levers de soleil du monde. Comme ces jours de Mai, où on étale sa carcasse sur le balcon. En fermant les yeux, pour mieux saisir sa vibration intérieure. Cultiver sa dinguerie personnelle. Moments ultra privés. Pas beaucoup de différences entre No Excess Is Absurd (1994) et Will They Turn You On Or Will They Turn On You (1995). Choisir entre les deux est un cas de conscience. Que je laisse à l'appréciation de chacun.

LIEN :

Jonathan & Charles

 

Luxurious Bags

 

http://nsa28.casimages.com/img/2011/09/06/110906095911197666.jpgLe mini album 7 titres Frayed Knots (1994) est de loin le mieux réédité et le plus accessible de la famille. Par «accessible» on entendra qu'il est inutile de se faire saigner les oreilles pour saisir l'essence de la chose. Rock nerveux et direct, ou la guitare s'extirpe d'un matelas de feedback, pour décocher de bien jolies banderilles. Climat crée en trois notes claires, et deux barrés faciles. Pensez Jesus And Mary Chain et toute cette vague de gens qui regardaient leurs godasses, au début des années 90. On a ici le bon goût d'éviter d'en tartiner des heures, et de partir dans un délire soporifique. Quoique vocalement, ce soit un peu faiblard. Le tout dégage quelque chose d'accrocheur, un charme insidieux de fleur empoisonnée. Ce qui faisait l'attrait du Sister de Sonic Youth, et a fini par disparaître sous trop de prétentions artistiques. Je serais prêt à parier que les Black Angels sont de vieux fans. Passe l'ombre de Terry Riley, et on reste songeur, accroché à notre petit carnet de notes.

LIEN :

All The Time In The World

 

B.O.R.B

 

http://s.dsimg.com/image/R-150-1720169-1310492455.jpegSi en plus on doit chercher des titres de morceaux originaux, on va y passer la semaine. Voici donc B.O.R.B (ou Bongloads of Righteous Boo) et son In Orbit (1995). Divisé en cinq phases sans nom, absolument pas complémentaires. Au contraire. Parano rougeâtre et rampante. Invasion d'angoisse dans les égouts d'une vieille usine chimique. Vangelis en plein voyage au mauvais acide. Une certaine idée de la vidange d'un semi-remorque, aussi. Avec plusieurs étapes dans la cuve d'huile. Du relativement fluide au très épais crasseux. C'est un saxophone ça ? Peut-être une corne de brume. Ah, une ligne mélodique. Trop tard, elle est déjà passée. Ombre trompeuse. Lumière blanche et crue. L'un dans l'autre, de la musique progressive. Remixée dans un hachoir à viande, toutefois. Pleine de nerfs, la bidoche. Et verte d'un bio mutant.

 

 

Wormdoom

 

http://image.allmusic.com/00/amg/cov200/drf400/f437/f43758svten.jpgLes keupons du lot, qui ont grandi trop près d'une aciérie, et mettent de la limaille de fer partout dans leur repas. Last Days Boogie (1996) part d'un principe simple : pourquoi faire une jolie chanson de trois minutes, quand on peut exprimer sa fixation sur le kraut le plus radical ? Jamais plus de trois accords, de toute façon. Et le batteur doit avoir quinze jours de pratique, maximum. Longues séquences ou une presse à emboutir (devenue totalement maboule) massacre de la tôle dans tous les sens. Sont bannis les mots «sens musical» et «virtuosité». Remplacez par «boucan en feedback», «chanteur cinglé» «bordel rythmique de base». Au choix très éprouvant, joliment expérimental, ou (et là vous êtes mur pour le tranxène) plaisir de l’expression sonore dans une optique libertaire. Bandes de graves qui cherchent, et arrivent même à trouver. Vous avez vu ce film où Belmondo tombe d'un camion chargé de cailloux ? Ici c'est pareil, mais avec des enclumes.

 

 

Bob Bannister

 

http://4.bp.blogspot.com/-GZKXeXY1zOA/T0104p7uuhI/AAAAAAAACBk/APCXIabzbfM/s400/6dfcc060ada0f36708f50210.L._SL500_AA300_.jpgPour bien achever de se perdre, voici Dives And Lazarus (1999), album entier de reprises du folk anglais et américain. Et si la majorité de la musique déjà évoquée avait fréquenté le Velvet (référence maudite, à éviter autant que possible) Bob Bannister se démarque en donnant l'impression d'avoir trop écouté John Cale. Celui de la bonne époque, le mélodiste imparable, jamais meilleur qu'avec son seul piano. Je vois de l'incrédulité sur les visages, toutefois. Folk d'accord, mais suffisamment déconstruit pour filer le mal de mer au fan club Fairport Convention. Expérimental est notre mot d'ordre. Grace à quoi, sous des moments magnifiques, ou la chanson n'est jamais sacrifiée (juste soulignée efficacement) c'est la visite du laboratoire d'un savant aussi fou que bricoleur. Le type qui aime bien se compliquer l'existence, démonter pour voir comment ça marche. Et remonter à sa façon. Laquelle est toujours originale, se foutant bien du dogme, sachant toutefois conserver une atmosphère adéquate. Pas une descente de hooligan dans un vieux salon fragile. L'ensemble est largement assez perché, pour que votre crédibilité de sonique cas social n'en soit pas affectée. Et devrait figurer en bonne place dans ces disques intriguant, que jamais on ne cherchera à vous emprunter. Joie et bonheur. Par on ne sait quel miracle, ce petit bijou d'équilibrage délicat est assez facilement trouvable (cd) en Angleterre.

 

 

Marvelous Sound Forms

 

http://image.allmusic.com/00/amg/cov200/drf500/f534/f53462supb6.jpgComme tout bon label (si underground soit-il) Twisted Village a été compilé. A l'intention des foules avides de découverte. Vous le croyez ça ? A moitié seulement. N’empêche que ce petit cd, à l'aspect pas engageant, fait bien les choses. De l'inédit et des démos, juste pour renseigner l'amateur éventuel. Bon, si il tombe d'entrée sur les deux morceaux (appelons ça comme ça) de B.O.R.B c'est pas de chance, ok. Et encore qu’Aaagh ne dure qu'une minute. Mais le reste est de toute premier intérêt, dans le genre déplafonné-barré-grave-cosmos-à-rustines. Et Crystalized Movement à le bon goût de reprendre l'immense Baby Your Phrasing Is Bad, de Caleb. Pépite psyché british. Version qui fera hurler les puristes, mais prouve que ces gens ont du goût. Voilà, le lecteur à maintenant tout ce qu'il lui faut (mais pas plus) pour s'aventurer seul dehors. Essayez Forced Exposure, pour vos recherches.

 

Laurent

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
commentaires

Haut de page