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Un Disque / Deux Chroniques : Skip Spence-Oar

par lou 9 Novembre 2010, 10:50

http://www.americansongwriter.com/wp-content/uploads/2009/11/skip-434x434.jpgSKIP SPENCE

 

 

Oar

 

 

I Comme Icare

Notre Seigneur rock, vous qui prenez tant et en rendez si peu. Ou alors pas pour des prunes. Qu'un seul exemplaire de Oar parvienne dans vos esgourdes. Et qu'Alexander «Skip» Spence (1943-1999) repose enfin en paix. Avec sa cohorte de fantômes.

 

Sérieusement, la ligne est mince entre héros fracassés (Syd Barrett) et losers complets, sans même la décence d'un entrefilet en page dix.

 

Skip Spence appartient à la seconde catégorie. Sans rémission. Sans que son passé d'ex Jefferson  Airplane-Quicksilver-Moby Grape ne soit pris en compte dans le dossier.

 

Tout juste quelques-uns se souviendront du schizophrène violent, capable de démolir un studio à la hache. Et de son disque réputé inécoutable. En tout cas prouvé invendable. Terrible coup de boule dans la bouille joufflue du Woodstockien moyen.

 

Le brouillard s'est un peu levé, le temps d'écrire ces quelques lignes. Encore un jour bien gris. Envie de s'égarer dans les rues, de laisser son esprit errer au hasard de l'urbanisme miteux. Ou d'une compagnie de CRS en villégiature sociale.

 

Un disque de hasard. Plus sérieusement, on en a entendu des galettes de naufragés, Barrett, Peter Green, Nick Drake, tout un tas de gens qui perdaient sérieusement les pédales. En essayant, encore un peu, de coordonner leur effort en quelque chose de viable. Et pour forcer le trait, Roky Erickson est un vieux familier, jusqu'à Wilburne Burchette et ses filtres de sorcier, en passant par Peter «Lucifer» Walker....

 

Au-delà du monde terrifiant de la dépression, et quand toutes les balises se sont fait la malle, s'assoir au bord de la route. En aboyant à la lune, si possible. Confondre le jour et la nuit, c'est juste un début. Quand la vie reste coincée au niveau du regard, il faut enfiler les bottes, et commencer à sortir du marais. Sous peine de noyade.

 

Mais des colis comme Oar, franchement... La chair raclée jusqu'à l'os, tout juste les nerfs et les muscles, pour animer un country blues ou règne surtout le valium.  Nous voici au lendemain d'une énième crise de nerfs, quand la pendule n'a plus d'autre fonction qu'une figurative illusion de confort matériel.

 

Le miracle (non homologué) c'est qu'ici tout tient debout, alors qu'on sent un auteur à bout de force, un Spence vaincu par ses démons. Qui chante comme s'il avait enfin franchi le point de non retour.

Quelque part dans sa nuit, une idée a réussi à percuter les neurones encore debout, la faible lumière agit comme un serveur à sens unique.

 

Écrasé de douleur, le minimalisme s'est emparé d'une guitare acoustique qui égrène des mélodies simples, à l'extraordinaire pouvoir décapant. Chaque geste, chaque intonation pèse un peu plus lourd dans la balance mentale.

 

Jusqu'à l'effondrement final. Le long Grey Afro, ou quand le métabolisme rend les armes. On y entend un homme renoncer au bon sens, agoniser de folie, comme s'il rampait dans une flaque de son sang.

 

La camisole de Monsieur est avancée. À conseiller si vous avez déjà vu l'autre côté de prés.

 

Laurent

 

http://www.austinchronicle.com/binary/a28753e1/music_feature-2403.jpeg

J’ai longtemps couru après la poésie déjantée et cramée d’un Syd Barrett, scrutant et décortiquant toutes les compilations et albums semi-officiels du leader des Floyd pour y trouver ces zones d’ombre qui emplissent nos subconscients. Jusqu’à ce matin frais où je suis tombé sur cette pochette maladive et délurée d’Oar, unique opus solo d’un Skip Spence torché aux amphet’ et autres substances qui font flipper la bonne morale. Avec cette sensation d’avoir une bombe entre les mains.

 

Le verdict de la platine fut sans appel, Oar est incontestablement ce genre de disque que l’on emmène secrètement sur son ile déserte, honteusement car cette galette est de celles qui vous ramènent à vos pires trips, vos fantasmes inavouables, vos moments de perdition dans un monde tellement prévisible. Une collection de chansons qui se suspend dans l’espace temps, sur des arrangements intimistes et perfides, chantonnée une bouteille de bourbon dans la main, déambulant dans des rues dévastées par l’incohérence d’un monde qui se veut mouvant et pourtant tellement vide.

 

Après avoir travaillé avec Bob Dylan dans sa période délurée, puis avoir touché les sommets de l’acid music de San Francisco au sein des Moby Grape, Skip Spence, ou, pour les intimes, Alexander Lee, se retrouve complètement largué en 70 dans un paysage où les idéaux de la contre-culture se sont fracassés la gueule sur une réalité toujours sous contrôle. De cette errance sortira Oar, seule échappatoire d’un trip assimilant les abîmes du stone âge au  paradis terrestre.

 

Tel un crooner dévasté, Skip Spence balance ici toute sa morveuse haine d’un monde en total décalage, ou inadéquation. Comme pour mieux exorciser sa différence, qui fait de ces génies incompris des semi-dieux. Oui mais voilà, Oar est tellement dérangé qu’on ne lui octroie pas même la place qu’un Madcap Laughs ou de n’importe quel Nick Drake, aujourd’hui porté aux nues par un revivalisme tonifiant, il faut le reconnaître. Non, Oar s’écoute toujours seul, engoncé dans son rocking-chair, le bourbon à la main, la clope au bec, et le dézingueur pas loin, prêt à dégainer sa dernière rafle.

 

Oar ne se partage pas, non, il se déguste le long d’une lente agonie que vient uniquement perturber le saphir de ta foutue platine… Histoire d’une foutaise de vie faite de quotidienneté et d’habitude mortuaire, d’un éternel recommencement pour un résultat proche du néant. Alors, tu changes de face, ré-enclenches le bras de ta platine, t’assombris les neurones en faisant couler une énième gorgée de bourbon, et replonges dans des climats mélancoliques hauts en couleur et pourtant si sombres. Sans aucune autre motivation que de se laisser couler les yeux écarquillés sur les eaux troubles d’un monde si absurde…

 

Lou

 

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