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Bouquin / Alan Lomax - Le Pays Où Naquit Le Blues

par lou 7 Août 2013, 11:02

Garez Votre Cul De Petit Blanc!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'action se situe dans les années quarante. Alan Lomax (1915-2002) parcourt le sud des États Unis, pour enregistrer des chanteurs de blues. Une activité qu'il a débuté en 1933, avec son père.  Le gars est un fin connaisseur, et un vrai puriste des douze mesures bleues. L'histoire lui doit par exemple (et parmi beaucoup de choses) la découverte de Muddy Waters. Événement qui réduit à  peu d'envergure l'invention de la roue, on en conviendra. Ethnomusicologue avant tout, Lomax a aussi œuvré comme producteur (Leadbelly, Woody Guthrie) et ses sympathies communistes lui ont valu de se retrouver sur les listes noires, pendant la chasse aux sorcières de Mac Carthy. C'est mandaté par le Congrès, qu'il arpentait le Mississippi ou la Louisiane (états pas racistes du tout, on s'en doute) et amassait des trésors aujourd'hui inestimables. Sur un matériel antédiluvien, révélant la volonté du passionné. D'abord,  il faut trouver la source. C'est à dire visiter des trous archi paumés. Ensuite, convaincre les patrons (blancs) de laisser leurs travailleurs (noirs) en pousser une ou deux à proximité de l'enregistreur. Et enfin refermer le tout dans la voiture, et foncer  jusqu'à sortir du bled. Puisque, vous l'avez compris, la musique des nègres, à l'époque, est marrante quand ils restent entre eux. Qu'un blanc s'y penche sans mépris, voilà quelque chose de suspect. Mais si en plus il discute, s'intéresse à l'histoire derrière chaque chanson, et d'une façon générale donne la parole aux opprimés du champ de coton, tout le système totalitaire s'effondre. Plus d'une fois, Lomax s'est retrouvé chez le shérif du coin, jouant sur la bêtise bornée pour s'en sortir. Là, il a appris qu'on appelait pas un noir «Monsieur», ces créatures étant (c'est connu) simplement mâles et femelles. Vous avez bien lu.  

Le Pays Où Naquit Le Blues, impressionnant pavé de 600 pages, s'abordera donc à plusieurs niveaux. Déjà, inutile d'y chercher les racines du rock. Le boss met vite les choses à leur place,  rien à battre de ces petits branleurs extravertis et bruyants. Comme un témoignage ensuite. Celui d'un peuple déporté, exploité et tyrannisé avec un inimaginable raffinement. Voire les abominables récits de la construction des digues du Mississippi. Ou le long passage atroce sur les pénitenciers d'Etat. Et partout, toujours, on chante le blues. Au besoin en s'accompagnant d'une casserole, de deux épis de maïs, mais que ça sorte. Le livre est donc bourré de textes de chansons, histoire de bien fixer les idées. Tour à tour résignées, paillardes (souvent), tristes ou subtilement revendicatrices. On s'ennuie assez vite, par contre, dés que la bondieuserie pointe son nez. Et faites confiance à la traduction (Jacques Vassal) pour avoir astiqué les détails. Pas un double sens laissé en rade, du gros boulot de pro. En outre, voilà un formidable bouquin d'Histoire économique et sociale. Toute la construction du vieux Sud, avant et après guerre de Sécession, racontée bien mieux que par un prof de géographie moustachu.  Attention, n'allez pas croire que la lecture est facile. Le style docte (autant que pas feignasse) de l'auteur oblige à un sacré effort, si on veut bien tout suivre. Très facile de perdre le fil, et d’être obligé de revenir en arrière de quelques pages. Je mentirais en disant avoir enquillé le tout d'une traite. Pas loin de quatre mois pour absorber l'ensemble. De préférence les soirs de déprime, histoire d’être bien en phase avec le sujet.  Pour récompenser les courageux, le  meilleur se trouve à la fin. Deux sublimes longs portraits de Muddy Waters (qui est arrivé pieds nus à son audition avec Lomax) et  de Big Bill Broonzy. Ce dernier résumant à merveille la condition du noir sudiste. Pas assez pâlichon pour voter, mais bien utile en cas de guerre. Le type dont la  musique plaisait aux blancs, et qui faisait du fric. Parce que jugé trop bon pour divertir ses frères de race, tout simplement. Jimi Hendrix lui même avait eu à affronter ce genre de contradictions. Et il avait appris le blues à Seattle. Le livre d'Alan Lomax est vendu avec un CD. Une dizaine de morceaux, collectés dans le Sud le plus réac et dangereux. Son House ouvre le bal, et devrait, en toute logique, vous intoxiquer pour le reste de votre vie. Chronique vérifiée par le bureau du blues de Sedan.

Laurent

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